Baptême de l’enfant : les parents doivent s’entendre !
Un père exerçant conjointement l'autorité parentale avec la mère de ses deux enfants, dont il est désormais séparé, l'assigne devant un juge aux affaires familiales afin de se voir autoriser à faire baptiser leurs enfants, la mère s’y opposant. En première instance puis en appel, sa demande est rejetée, les enfants refusant ce sacrement lequel, faute de convictions religieuses, ne correspond pas à leur intérêt.
Le père forme un pourvoi en cassation, soutenant l’absence de contrariété entre le choix du baptême et l'intérêt de ses enfants, le contrôle du juge aux affaires familiales ne pouvant porter, en cas de conflit parental sur le danger que pouvait représenter la demande qu’il avait formulée, sauf à violer les articles 8 et 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion.
Son pourvoi est rejeté dès lors qu'après avoir exactement rappelé que le conflit d'autorité parentale relatif au baptême des enfants devait être tranché en fonction du seul intérêt de ces derniers, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, d'une part, que les enfants, âgés de 6 et 7 ans, ne souhaitaient pas être baptisés car ils ne comprenaient pas le sens de cette démarche, d'autre part, qu'ils ne souhaitaient pas, en l'état, revoir leur père, dont les droits de visite avaient été suspendus en raison de son comportement menaçant et violent. La cour d’appel en a souverainement déduit, sans méconnaître la liberté de conscience et de religion du père, qu'en l'état du refus de la mère, la demande de ce dernier, qui n'était pas guidée par l'intérêt supérieur des enfants, devait être rejetée.
L’autorité parentale, ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant, est automatiquement dévolue aux parents (C. civ., art. 371-1) et leur séparation est sans incidence sur la dévolution et l’exercice de celle-ci (C. civ., art. 373-2). Par principe, le père et la mère exercent en commun l’autorité parentale. L’espèce rapportée en est d’ailleurs l’illustration. L’intérêt de l’enfant guide l’exercice de l’autorité parentale : les parents doivent protéger leur enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne (C. civ., art. 371-1, al. 2). Y manquer les expose à être privés de leurs prérogatives, comme en l’espèce, le père, par la violence de son comportement vis-à-vis de ses enfants, ayant été temporairement privé de son droit de visite. Ainsi l’intérêt de l’enfant se présente-t-il comme le critère à partir duquel s’apprécie la légitimité de toutes les décisions le concernant. Les parents doivent agir dans ce but tout comme les autorités administratives et judiciaires amenées à se prononcer sur le sort de l’enfant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle en cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale, chaque parent peut effectuer seul les actes usuels d’autorité parentale, dès lors que ces actes n’engagent pas l’avenir de l’enfant : il s’agit de décisions du quotidien, d’actes habituels, comme une inscription de l’enfant à une activité sportive. En revanche, et pour la même raison, tous les actes qui ne sont pas usuels et qui se révèlent plus engageants pour l’enfant (un passage à la télévision par exemple) exigent l’accord exprès des deux parents. Or ceux relatifs aux décisions et à la pratique religieuse de l’enfant font partie de cette catégorie d’actes. Il appartient en effet aux parents de décider ensemble de donner ou non à leur enfant une éducation religieuse ou, par exemple, de faire circoncire leur enfant (Civ. 2e, 17 déc. 1998, n° 97-15.121). En revanche, dès lors qu’ils agissent en concertation, les parents sont libres de leur choix et de leur pratique en sorte que la pratique religieuse de l’enfant décidée conjointement par les deux parents peut devenir un acte usuel, qu’un seul parent peut effectuer. Il peut, alors, par exemple, valablement emmener seul son enfant à des cours de catéchisme. La décision de faire baptiser un enfant relève, de toute évidence, de la catégorie des actes non usuels nécessitant l’accord des deux parents lequel faisait, en l’espèce, défaut. Dans cette hypothèse, les parents peuvent, l’un comme l’autre, saisir le juge aux affaires familiales pour qu’il tranche le différend, ce dernier étant le juge de l’autorité parentale (C. civ., art. 373-2-6 et 373-2-8). Il a vocation à intervenir à tout moment, que ce soit durant la vie commune des parents ou, ce qui est en pratique plus fréquent, après leur séparation. Si le juge s’efforce tout d’abord de concilier les parents (C. civ., art. 373-2-10), en cas d’échec d’une telle tentative, c’est le juge qui se prononce, toujours en fonction de l’intérêt de l’enfant. Il prend notamment en compte (C. civ., art. 373-2-11) la pratique que les parents ont précédemment suivie ou les accords qu’ils ont pu conclure antérieurement, les sentiments exprimés par l’enfant et l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs. Or en l’espèce, le comportement inadapté du père, ayant justifié la suspension de son droit de visite et même le placement de ses enfants dans un service d’aide sociale à l’enfance (ASE), associé au refus des enfants qui, sans avoir voulu être auditionnés (V. C. civ., art. 388-1), avaient exprimé auprès d’un référent du service d’ASE leur refus d’être baptisés comme de revoir leur père, ont évidemment suffi à convaincre les juges de ne pas faire droit à la demande du père.
Civ. 1re, 23 septembre 2015, n° 14-23.724.